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Location meublée et parahôtellerie

Démêlez les noeuds de la fiscalité
dimanche, 14 novembre 2010 09:15

L'auto-exploitation : la question des modalités juridiques

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Je propose de commenter les dispositions de l'instruction fiscale du 25 octobre 2010 sur le nouveau régime de l'auto-exploitation dans le régime DEMESSINE en évoquant plus spécialement la question du mode juridique possible pour réaliser l'auto-exploitation.

 

Rappel du contexte

Compte tenu de la pratique des fonds de concours (toujours pas interdits !), de nombreuses résidences DEMESSINE ont fait faillite. Les propriétaires cherchent alors à trouver de nouveaux exploitants. Faute de trouver un nouvel exploitant qui accepte de payer le loyer initialement prévu et compte tenu du peu de candidats repreneurs sérieux, les propriétaires en viennent à reprendre eux-mêmes l'exploitation de la résidence. Or l'administration fiscale considère que l'auto-exploitation est incompatible avec le régime des revenus fonciers et donc avec le DEMESSINE, par ailleurs le code du tourisme impose certaines contraintes difficiles à respecter en cas d'auto-exploitation (un seul exploitant pour toute la résidence regroupant 70 % des appartements). Dans ce contexte, la loi de finances pour 2010 a mis en place un régime dérogatoire temporaire du DEMESSINE facilitant l'auto-exploitation mais sous certaines conditions.

 

Rappel du texte de loi

"La réduction pratiquée ne fait pas l'objet d'une reprise si les copropriétaires substituent au gestionnaire défaillant de la résidence de tourisme une ou un ensemble d'entreprises qui assurent les mêmes prestations sur la période de location restant à couvrir conformément aux prescriptions légales, dans des conditions fixées par décret. Cette faculté leur est ouverte dès lors que la candidature d'un autre gestionnaire n'a pu être retenue après un délai d'un an et qu'ils détiennent au moins 50 % des appartements de la résidence."

 

Le texte de l'instruction sur le sujet (extraits importants)

"22. Substitution au gestionnaire défaillant d'une ou d'un ensemble d'entreprises. Pour assurer l'exploitation de la résidence, les copropriétaires détenant au moins 50 % des appartements de la résidence peuvent :

1° soit contracter directement avec une ou un ensemble d'entreprises qui assurent les prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. Dans ce cas, il est dérogé à la condition de gestion de la résidence de tourisme par une seule personne physique ou morale prévue à la dernière phrase de l'article D. 321-1 du code du tourisme ;

2° soit confier la gestion des logements à une seule entreprise, dont les copropriétaires peuvent être associés, qui assure directement ou indirectement les prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts.

Il est précisé qu'une prestation de même nature (par exemple le petit déjeuner) doit être assurée par un seul et même prestataire pour l'ensemble des copropriétaires détenant au moins 50 % des appartements de la résidence.

23. Il est admis que l'imposition des revenus tirés de la location meublée des logements concernés réalisée sans l'intermédiaire d'un exploitant dans les conditions prévues par le décret à paraître s'effectue non pas dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, ce qui exposerait les intéressés à la reprise de la réduction d'impôt, mais dans celle des revenus fonciers. Toutefois, cette dérogation ne s'applique que pour la durée de l'engagement de location restant à courir.

24. Concernant le classement de la résidence, deux situations sont à distinguer : celle où la résidence est déjà classée et celle où une demande de classement doit être faite.
Dans le premier cas, l'autorité administrative qui a prononcé le classement est informée, soit par les copropriétaires dans le cas prévu au 1° du n° 22. ci-dessus, soit par l'entreprise qui se substitue au gestionnaire défaillant dans le cas prévu au 2° du n° 22. ci-dessus, des modifications intervenues dans l'exploitation de la résidence de tourisme.
Les éléments suivants doivent lui être communiqués :
- l'identification de la ou des entreprises assurant l'exploitation de la résidence ;
- la liste (nom et adresse) des copropriétaires concernés ainsi que le nombre d'appartements qu'ils détiennent ;
- la copie des contrats conclus entre les copropriétaires et la ou les entreprises assurant l'exploitation de la résidence.
La circonstance que l'exploitation ne répond pas au critère de capacité minimale requis pour le classement de la résidence ne remet pas en cause le classement déjà obtenu.
Dans le second cas, les copropriétaires (n° 22.,1°) ou l'entreprise qui se substitue au gestionnaire défaillant (n° 22., 2°) adressent, pendant la période de location restant à courir, une demande de classement en résidence de tourisme conformément aux dispositions des articles D. 321-3 et suivants du code du tourisme ; il n'est pas fait application du critère de capacité minimale requis pour le classement de la résidence de tourisme, et cela pour la période d'engagement de location restant à courir (le classement n'étant prononcé, si les conditions sont réunies, que pour cette période).
Exemple 1 : Les propriétaires de 60 appartements d'une résidence de tourisme comprenant 100 appartements concluent un mandat avec une agence immobilière ou une entreprise afin que celle-ci assure la gestion commerciale de cette même résidence. Les propriétaires des 40 autres appartements souhaitant conclure un mandat avec une autre agence immobilière ou une autre entreprise s'exposent à la reprise de la réduction d'impôt précédemment accordée.
Exemple 2 : Les propriétaires de 60 appartements d'une résidence de tourisme comprenant
100 appartements créent une société par actions simplifiée (SAS) afin de reprendre la gestion de la résidence.
Les propriétaires des 40 autres appartements ne souhaitant pas s'associer dans cette SAS ou lui confier la gestion des services pour l'exploitation de leur bien s'exposent à la reprise de la réduction d'impôt précédemment accordée (voir n° 20.).

"25. Prestations devant être assurées par la ou les entreprises se substituant au gestionnaire défaillant. Quelles que soient les modalités de fonctionnement retenues, les prestations précédemment fournies par l'exploitant défaillant doivent continuer à être assurées, conformément aux prescriptions légales.
En d'autres termes, la ou les entreprises concernées doivent assurer les prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du CGI, c'est-à-dire les prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes : le petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.
Ils doivent également, sauf exceptions prévues par le décret à paraître (gestion par une seule personne physique ou morale, critère de capacité minimale requis), respecter la réglementation applicable aux résidences de tourisme visées aux articles D. 321-1 et suivants du code du tourisme, notamment les conditions requises pour bénéficier du classement.

26. Fourniture des prestations concernées jusqu'au terme de la période de location restant à courir. Les prestations concernées (voir n° 25.) doivent être fournies jusqu'au terme de la période d'engagement de location, fixée à neuf ans, restant à courir à l'expiration du délai de vacance de douze mois, cela dès l'expiration de ce délai (cf. 18. et 19. de la présente instruction)."

 

Mes commentaires

Dans son instruction, l'administration fiscale retient plusieurs schémas d'auto-exploitation et laisse une grande liberté aux propriétaires.

Elle distingue deux cas :

 

1 L'exploitation directe par la conclusion de contrats avec une ou un ensemble d'entreprises

 

"1° soit contracter directement avec une ou un ensemble d'entreprises qui assurent les prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. Dans ce cas, il est dérogé à la condition de gestion de la résidence de tourisme par une seule personne physique ou morale prévue à la dernière phrase de l'article D. 321-1 du code du tourisme ;"

Dans ce cas, les propriétaires signent un contrat avec une entreprise ou un ensemble de plusieurs entreprises pour que les prestations hôtelières soient assurées.

Il y a donc deux sous-hypothèses. Un contrat avec une entreprise unique et un contrat avec un ensemble d'entreprises.

 

1.1 Le mandat général d'exploitation

Le cas d'une entreprise unique est selon moi celui où les propriétaires concluent un mandat général d'exploitation avec un gestionnaire qui se charge de gérer la résidence et d'effectuer toutes les prestations, le cas échéant en faisant appel lui-même à des sous-traitants.

L'exploitation d'une résidence par un mandat est d'ailleurs expressément prévue par le code du tourisme.

Dans cette situation chaque propriétaire signe un mandat avec le même gestionnaire. Chaque propriétaire doit signer un contrat avec le même mandataire.

 

1.2 Le mandat de commercialisation et des contrats de prestations

Le deuxième sous-cas est celui où les propriétaires décident de faire assurer les différentes prestations par un ensemble d'entreprise.

En pratique, les propriétaires peuvent par exemple confier la commercialisation de leurs appartements à un agent immobilier. Ce dernier se chargera de trouver des clients et de les accueillir dans la résidence. D'autres prestataires pourront intervenir pour assurer le nettoyage des locaux et pour fournir le linge de maison, voire le petit-déjeuner.

Là encore chaque propriétaire doit signer le même contrat avec chaque prestataire.

 

2) La constitution d'une société d'auto-exploitation

 

"2° soit confier la gestion des logements à une seule entreprise, dont les copropriétaires peuvent être associés, qui assure directement ou indirectement les prestations mentionnées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts."

Dans ce schéma l'administration évoque l'hypothèse où les propriétaires sont associés dans une société. Cette société assure les services soit directement, soit indirectement.

A mon avis, le lien juridique le plus naturel qui doit exister entre les propriétaires et la société est le contrat de bail commercial.

Mais l'administration ne l'impose pas et d'autres techniques juridiques sont envisageables.

Il est ainsi concevable que les propriétaires se lient par mandat avec leur société ou encore lui fassent un appel en nature temporaire de leurs appartements.

Par ailleurs la société peut faire appel à divers sous-traitants pour réaliser les services.

 

3 Conséquence fiscale de l'auto-exploitation

 

Dans le régime DEMESSINE, les propriétaires prennent un engagement de louer nu leur appartement et relèvent naturellement du régime fiscal des revenus fonciers. Or, dans certains des cas évoqués, il n'y a plus de location mais un mandat de gestion. Dans cette situation, les propriétaires exercent une activité hôtelière. En effet, le mandataire contracte avec les clients au nom et pour le compte des propriétaires.

Mais l'administration admet que cela ne remet pas en cause l'application du régime des revenus fonciers et cela quel que soit le schéma retenu.

 

4 Détenteur du classement en cas d'auto-exploitation

 

Dans le régime DEMESSINE, la résidence doit être classée.

En cas d'auto-exploitation, l'administration prévoit dans son instruction que le classement est attribué à la société d'auto-exploitation si une telle structure est constituée.

Si les propriétaires choisissent un schéma basé sur la signature d'un ou plusieurs contrats avec une ou un ensemble d'entreprises, c'est le collectif de copropriétaires qui devient alors le détenteur du classement.

L'administration distingue le cas où le classement est déjà obtenu et celui où il n'a jamais encore été obtenu.

Quand le classement avait déjà été obtenu par le gestionnaire en faillite, les propriétaires obtiendront facilement le transfert du classement. Sinon, ils devront obtenir un nouveau classement selon la procédure de droit commun.

Le défaut de classement de la résidence peut donc être ainsi de facto "rattrapé" par les propriétaires alors qu'en principe une telle situation devrait donner lieu à la remise en cause du régime DEMESSINE puisque le classement est obligatoire dès l'ouverture de la résidence.

Par ailleurs, il est admis que le classement soit possible même si les appartements concernés ne représentent pas 100 lits, contrairement à la réglementation de droit commun. Cette situation peut se rencontrer dans une petite résidence qui avait globalement plus de 100 lits mais dans laquelle les propriétaires mettant en place le schéma d'auto-exploitation représentent moins de 100 lits.

 

5 Le caractère temporaire du régime dérogatoire

 

Attention : toutes ces exceptions et tolérances aux règles de droit commun, aussi bien sur le plan fiscal que sur le plan du classement, sont temporaires. A l'issue de l'engagement de location du régime DEMESSINE, les règles de droit commun s'appliqueront à nouveau.

C'est pourquoi, en cas de mise en place d'un schéma d'auto-exploitation, il faut envisager ce qui se passera à l'issue de la période DEMESSINE.

Dans certaines résidences ayant eu plusieurs tranches de mise en service, l'exercice sera particulièrement difficile car la date de fin de l'engagement de location ne sera pas la même selon les propriétaires.

 

6 L'exclusion des dissidents

 

Dans de nombreuses résidences, il y a des propriétaires qui ne souhaitent pas s'associer au schéma d'auto-exploitation choisi par la majorité.

Les motivations de ces minoritaires dissidents sont variées. Il y a des propriétaires que l'on n'arrive pas à contacter. Il y a des propriétaires qui ont engagé des actions en nullité de leur achat. Il y a des propriétaires qui souhaitent récupérer leur liberté. Il y a aussi les"têtes de noeuds" qui la jouent perso.

Ces dissidents risquent d'avoir à reverser la réduction d'impôt obtenue.

Pour garder le bénéfice du régime DEMESSINE, il ne suffit pas pour un propriétaire de faire partie d'une résidence où au moins 50 % des propriétaires ont mis en place un schéma d'auto-exploitation, encore faut-il qu'il fasse partie de ce groupe de propriétaires.

Un propriétaire dissident ne peut pas par exemple faire appel à une agence immobilière différente de celle choisie par le groupe majoritaire. De même, un groupe minoritaire ne peut pas monter sa propre société d'auto-exploitation.

Sur ce point, l'instruction est très claire :

"Les copropriétaires ne souhaitant pas s'associer à l'opération de substitution au gestionnaire défaillant, et donc en pratique faire partie du regroupement de copropriétaires ou de l'entreprise (voir n° 22.) constitués à cet effet, s'exposent à la reprise de la réduction d'impôt précédemment accordée."

Il s'agir de maintenir, autant que possible, la gestion unifiée de la résidence.

En pratique, l'administration fiscale pourra faire valoir que ces propriétaires ne remplissent pas la condition de classement puisque le classement ne sera accordé qu'au schéma mis en place par la majorité, les autres n'en bénéficiant pas.

 

7 Conclusion

 

Selon moi, même si l'administration fiscale laisse une grande liberté aux propriétaires pour organiser leur schéma d'auto-exploitation, il convient de choisir un schéma dont le régime juridique est fiable.

Le meilleur choix est selon moi celui où tous les copropriétaires se regroupent dans une société d'auto-exploitation. Les propriétaires se lient à la société par un bail commercial classique. Les meubles sont détenus par la société.

La société peut ensuite conclure divers contrats avec des tiers pour assurer les prestations hôtelières.

Il faut éviter selon moi de signer un contrat de mandat général, d'une validité juridique incertaine avec notamment un risque élevé de requalification en bail commercial si le mandataire dispose des pouvoirs les plus étendus pour développer son activité.

La société doit en effet conserver la propriété du fonds de commerce.

Selon moi, à l'issue de la période d'engagement du régime DEMESSINE, il doit être prévu que les propriétaires puissent retrouver leur liberté et résilier le bail commercial.

Il faudra alors faire le point et étudier les évolutions possibles du schéma.

Les propriétaires auront sans doute alors intérêt à maintenir le schéma d'auto-exploitation et à conclure un nouveau bail, le cas échant en le modifiant pour tenir compte notamment des contraintes fiscales et pour adopter le statut de la location meublée non professionnelle.

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