Dans le cadre d'un investissement immobilier locatif normal, il paraît raisonnable de prendre en compte les revenus locatifs pour faire ce calcul, ce qui augmente d'autant la capacité d'emprunt de l'investisseur. Mais dans le cadre d'un investissement locatif de type défiscalisation immobilière, est-ce toujours raisonnable ?
Selon moi la réponse est clairement négative car les investissements immobiliers de défiscalisation immobilière sont souvent particulièrement risqués. Les rendements locatifs promis par les officines qui vendent ces produits sont souvent artificiellement gonflés. C'est notamment le cas lorsque les biens vendus sont des appartements dans des résidences hôtelières.
Dans la décision précitée du 30 avril 2014, la Cour de cassation approuve les juges du fond (Cour d'appel de Versailles) d'avoir pris en compte dans l'appréciation du devoir de mise en garde le fait que la banque avait omis d'attirer l'attention de l'investisseur sur le fait que sa capacité de rembourser l'emprunt "était étroitement tributaire du succès du projet immobilier, de l'achèvement de l'immeuble et des ressources qu'il pourrait lui procurer." Alors que la banque "ne pouvait ignorer la saturation du marché locatif du type de celui de l'immeuble en cause".
Autrement dit pour le juge, une banque qui connaissait les risques d'un investissement locatif doit nécessairement en tenir compte dans son calcul de la capacité d'endettement de l'investisseur.
Or, s'agissant des investissements immobiliers locatifs de défiscalisation, il est de notoriété publique qu'il existe d'importants risques de défaut de paiement des loyers. Les banques ne devraient donc pas tenir compte des loyers prévus pour calculer la capacité de remboursement des investisseurs.
Au cas particulier, il est même reproché à la banque de ne pas avoir tenu compte de la saturation du marché locatif du type de celui de l'immeuble en cause. Autrement dit, la banque savait qu'il était difficile de louer ce type de bien.
Ci-après l'extrait intéressant de la décision :
"Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une indemnité de 80 000 euros, alors, selon le moyen, que la banque qui consent à un emprunteur un crédit adapté à ses capacités financières et au risque d'endettement né de l'octroi du prêt à la date de la conclusion du contrat, n'est pas, en l'absence de risque, tenue à une obligation de mise en garde ; que la cour d'appel, qui constate que, suivant la caisse, le crédit qu'elle a consenti à M. X... était adapté à ses capacités, lui reproche, sans s'expliquer autrement sur ce point, de n'avoir pas mis M. X... en garde « contre le fait que sa capacité de rembourser le prêt était étroitement tributaire du succès du projet immobilier, de l'achèvement de l'immeuble et des ressources qu'il pourrait lui procurer à M. X... », quand « elle ne pouvait davantage ignorer les capacités financières limitées de M. X... » ; qu'elle a ainsi violé l'article 1147 du code civil, ensemble les règles qui régissent l'obligation de mise en garde du banquier ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé, par un motif non contesté, que M. X... n'était pas un emprunteur averti ; qu'elle a ensuite constaté que, selon la caisse, M. X... avait une capacité à épargner allant jusqu'à 300 euros par mois, et que le prêt qui lui avait été consenti était d'un montant de 109 600 euros remboursable en 330 mois, par échéances de 393, 30 euros pendant 24 mois, puis de 629 euros pendant 276 mois, que la caisse ne pouvait ignorer les capacités financières limitées de M. X... ni la saturation du marché locatif du type de celui de l'immeuble en cause, à Limoges, de sorte que la capacité de M. X... à rembourser le prêt était étroitement tributaire du succès du projet immobilier ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a décidé à bon droit que la caisse n'ayant pas exercé le devoir de mise en garde auquel elle était tenue à l'égard de M. X... lors de la conclusion du contrat, sa responsabilité était engagée ; que le moyen n'est pas fondé ; "