Dans un premier temps, le fonds de concours permet au gestionnaire de faire face au problème, puis quelques années après le début d'exploitation, soit il fait faillite, soit il impose une baisse de loyer aux propriétaires. Les propriétaires se retrouvent en grave difficulté financière car ils pensaient pouvoir faire face aux échéances bancaires grâce aux loyers promis abusivement.
Bien sûr, pour le promoteur, le fonds de concours est une charge mais, en pratique, elle lui permet de gonfler son prix de vente à un niveau bien supérieur au coût du fonds. Il y a un effet de levier particulièrement rémunérateur.
Prenons l'exemple d'un bien dont la vraie valeur est 100, et qui peut donc être exploitée par un gestionnaire avec un loyer de 5, ce qui correspond au rendement locatif normal de 5 %.
Le promoteur va vendre son bien 120, ce qui implique un loyer de 6.
Le promoteur peut alors prélever 4 sur 120, en fonds de concours, cela va permettre au gestionnaire de tenir 4 ans, autrement dit, de verser pendant 4 ans un loyer de 6 au lieu de 5.
Au bout des 4 ans, le gestionnaire fait faillite. Mais pour le promoteur, tout va bien, il a réalisé une marge supplémentaire de 16.
Le système du fonds de concours permet au promoteur de majorer sa marge en théorie à l'infini. En pratique, il doit se limiter pour que cela ne se voit pas trop.
J'ai rencontré un jour le dirigeant d'un groupe de promotion qui a essayé de me justifier l'existence des fonds de concours en faisant valoir qu'ils pouvaient être légitimes, s'ils étaient limités au coût du démarrage de l'activité.
Le raisonnement paraît valable. L'idée est de dire que l'exploitation d'une résidence de tourisme ne démarre pas immédiatement, le taux de remplissage n'est pas tout de suite suffisant pour assurer la rentabilité. Donc le fonds de concours permet d'aider le gestionnaire pendant la phase de démarrage.
Un tel raisonnement, apparemment de bon sens, est faux.
En effet, en tout état de cause, ce n'est pas au vendeur d'un bien de subventionner la future exploitation de ce bien par son acheteur.
Le loyer subventionné est un loyer artificiellement gonflé au détriment de l'investisseur, qui peut croire que le loyer est normal.
En principe, dans une situation normale, le gestionnaire exigerait du propriétaire des locaux une franchise de loyer pour faire face au coût de cette période de démarrage. Autrement dit, dans une situation normale, le propriétaire serait obligé d'accepter une baisse de loyer, au moins temporaire.
Ou alors, plus simplement, le gestionnaire provisionnerait ce coût et demanderait un loyer normal permanent un peu plus faible pour le financer, en l'étalant sur toute la durée du bail.
Face à une telle perspective de loyer plus faible, le propriétaire éventuel n'accepterait d'acheter qu'à un prix inférieur à celui proposé sans franchise de loyer.
Autrement dit, même si le fonds de concours ne représente qu'une avance que de quelques mois de loyers, cela reste une technique frauduleuse permettant de gonfler artificiellement un prix de vente.
Il serait temps que le législateur intervienne pour interdire cette technique en prévoyant des sanctions pénales pour toute personne la mettant en œuvre.
Plus radicalement, il faudrait interdire la relation malsaine entre les promoteurs et les gestionnaires.
Quand le promoteur impose un gestionnaire aux propriétaires, la probabilité de l'existence d'un fonds de concours est élevé.
C'est d'autant plus vrai et plus simple quand le promoteur et le gestionnaire appartiennent au même groupe. Dans ce cas, le fonds de concours n'est pas nécessaire, il suffit que la société de promotion comble régulièrement les pertes du gestionnaire, dans le cadre des relations de groupe.
C'est la technique du package qui est naturellement une source de fraude.
Les commissaires aux comptes des promoteurs et des gestionnaires concernés devraient avoir l'obligation de certifier, dans leur rapport annuel, l'absence de ces fonds de concours et la validité du prévisionnel du gestionnaire garantissant la rentabilité de son activité et sa capacité à verser les loyers promis sans l'aide du promoteur.