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Contrôle fiscal

Démêlez les noeuds de la fiscalité
mercredi, 04 février 2015 11:17

Le risque de rappel en cas de rémunération excessive

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Le chef d'entreprise d'une PME qui existe sous la forme d'une société assujettie à l'impôt sur les sociétés est confronté à un choix stratégique au plan fiscal et social : soit il distribue les profits de la société sous la forme de rémunération du dirigeant, soit il les distribue sous la forme de dividendes.

Il faut rappeler que la rémunération du dirigeant est une charge déductible de la société.

Par exemple, dans une société qui réalise un profit brut de 100 K€, le dirigeant peut décider de prendre ce montant sous la forme d'une rémunération de 100 K€ (en fait moins à cause des cotisations sociales). Dans ce cas, la société réalise un bénéfice net nul.

Le dirigeant peut aussi ne pas prendre de rémunération. Dans ce cas, la société réalise un bénéfice de 100 K€, doit payer l'impôt sur les sociétés de 33 K€ (hypothèse d'un taux d'IS à 33%) et 67 K€ peuvent être distribués sous la forme de dividendes. Si le dirigeant est l'associé unique ou quasi unique, comme c'est souvent le cas, il reçoit les dividendes.

Lorsque la société est une SARL, la rémunération du dirigeant relève du régime des travailleurs non-salariés (TNS). Dans cette situation, le meilleur choix est généralement de verser une rémunération plutôt que de distribuer des dividendes.

Ainsi, les dirigeants peuvent être incités à se verser une grosse rémunération.

Mais il n'existe pas une liberté totale d'attribuer tous les profits de la société sous la forme de rémunération du dirigeant. En effet, dans certains cas, les services fiscaux peuvent remettre en cause le niveau excessif d'une rémunération.

 

1 Preuve du caractère excessif de la rémunération

 

Pour pouvoir être comprise dans les charges d'exploitation déductibles de l'entreprise, la rémunération allouée au dirigeant doit correspondre à un travail effectif et ne pas être excessive eu égard au service rendu (article 39, 1-1°, alinéa 2 du CGI).

En matière de rémunération excessive, la charge de la preuve incombe à l'administration fiscale.

Pour apporter la preuve du caractère excessif de la rémunération d'un dirigeant, l'administration fiscale a pour obligation d'établir une comparaison avec des entreprises similaires (CE 18 décembre 1992 n° 74206).

Ainsi, elle compare le montant des rémunérations attribuées à des personnes occupant des emplois analogues dans des entreprises similaires de la région.

L'appréciation du caractère anormal des rémunérations a donné lieu à une abondante jurisprudence.

Il a été jugé dans un arrêt du Conseil d'Etat du 21 février 1990, que la rémunération d'un PDG d'une société de transports était excessive dans la mesure où elle était égale à quatre fois la moyenne des rémunérations versées aux dirigeants de sept entreprises retenues comme termes de comparaison.

De même, dans différents arrêts, l'administration fiscale a jugé excessive, la rémunération de dirigeants correspondant au double des rémunérations moyennes versées aux dirigeants d'entreprises similaires (CE 1er juin 1983 n° 36264, CE 18 janvier 1988 n° 57368, CE 21 avril 1989 n° 79682 et 79683).

Dès lors que la rémunération est nettement supérieure à celles reçues par les dirigeants de sociétés comparables, l'administration fiscale établit le caractère exagéré de cette rémunération (CE 24 avril 1981 n° 19236, CE 29 décembre 1999 n° 185480, CAA Lyon 9 octobre 2003 n° 98-1697).

De plus, outre la comparaison à des entreprises similaires, l'administration fiscale doit tenir compte de critères d'appréciation internes à l'entreprise.

Parmi ces éléments propres à la société, l'administration fiscale retient régulièrement le rôle du dirigeant dans le développement de l'entreprise, les conditions d'exercice de l'activité du dirigeant, les résultats de l'entreprise ainsi que le niveau de rémunération des principaux collaborateurs et de la masse salariale.

 

2 Conséquences du caractère excessif de la rémunération

 

Si la rémunération est jugée excessive par l'administration fiscale, elle fait l'objet de deux rappels.

La réintégration de la fraction excessive comporte des conséquences non seulement pour la société en cause mais aussi pour le bénéficiaire de la rémunération.

 

Redressement fiscal de la société

La fraction jugée excédentaire de la rémunération doit être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société. Elle donne lieu à un rappel d'impôt sur les sociétés.

Ce rappel est généralement majoré de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

 

Redressement fiscal du dirigeant

La fraction jugée excessive de la rémunération est requalifiée en distribution occulte et imposée dans la catégorie des revenus mobiliers.

L'administration fiscale commence par retirer la rémunération excessive de la catégorie des traitements et salaires et la rajouter dans la catégorie des revenus mobiliers.

Ce reclassement de la rémunération excessive n'est pas neutre pour le dirigeant.

En effet, en perdant la qualification de salaire, la rémunération perd l'abattement de 10 % pour frais professionnels.

Ensuite la distribution est majorée de 25 %.

Ce revenu ne peut pas bénéficier de l'abattement de 40 % qui s'applique aux dividendes.

Enfin, ce rappel est généralement majoré d'une pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

 

Exemple

Prenons un exemple avec une rémunération excessive de 100 000 € :

Pour le redressement fiscal de la société :

La rémunération excessive de 100 000 € devra être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société.

Prenons l'hypothèse d'une PME réalisant des bénéfices supérieurs à 38 120 € et donc avec un taux d'imposition sur les sociétés de 33,1/3 %.

100 000 * 33,1/3 % soit 33 333 €

Majoration de 40 % : 33 333 * 40 % soit 13 333 €

Total : 33 333 + 13 333 soit 46 666 € de rappel pour la société

Pour le redressement fiscal du dirigeant :

Avant le rappel, la rémunération de 100 000 € a été taxée à hauteur de 90 000 € si on enlève les 10% d'abattement pour les frais professionnels.

Après le rappel, la requalification en distribution occulte fait perdre cet abattement et il faut ajouté la majoration de 25 %. Ainsi on passe d'un revenu imposable de 90 000 € à 125 000 € soit une différence de 35 000 €.

Si le contribuable a une tranche marginale d'imposition de 30 % :

35 000 * 30 % soit 10 500 €

Majoration de 40 % : 10 500 * 40 % soit 4 200 €

Total : 10 500 + 4 200 soit 14 700 € de rappel d'impôt sur le revenu

Un rappel est également dû pour les prélèvements sociaux de 15,5 % sur le total de la distribution.

125 000 * 15,5 % soit 19 375 €

Majoration de 40 % : 19 375* 40 % soit 7 750 €

Total : 19 375 + 7 750 soit 27 125 € de rappel de prélèvements sociaux

Soit un total de 41 825 € de rappel pour le dirigeant.

Ainsi, total des deux rappels s'élève à 46 666 + 41 825, soit 88 491 € (sans compter les intérêts de retard)..Le taux d'imposition de la rémunération excessive est donc de près de 90 %.

 

3 Cas particulier du dirigeant, "homme-orchestre" de sa société

 

Dans beaucoup de PME, le dirigeant travaille seul dans sa société ou presque seul.

Il cumule ainsi toutes les fonctions. C'est le véritable "homme-orchestre" de sa société.

Il assure toutes les fonctions de production et de direction.

L'unique source du chiffre d'affaires est le dirigeant.

Dans ce contexte particulier d'une personne travaillant seule, il paraît peu sérieux de faire valoir l'existence d'une rémunération excessive, sauf peut-être si la société est en perte.

Cela reste vrai même si l'essentiel des profits est affecté au gérant au titre de sa rémunération. En effet, son travail est alors la seule source de profit de la société.

Dans un tel cas, il semble difficile pour l'administration fiscale de rapporter des références de sociétés à la situation comparable, avec un dirigeant "homme-orchestre", pour démontrer le caractère excessif de la rémunération.

 

4 Conclusion

 

Il existe un risque de rémunération excessive est effectif lorsque le dirigeant n'exerce pas toutes les fonctions dans l'entreprise, si sa rémunération est nettement supérieure à la moyenne des rémunérations versées aux dirigeants de sociétés comparables invoquées par l'administration fiscale.

Mais quand le dirigeant assure seul toutes les fonctions de gestion et de production, les rappels ne peuvent être justifiés.

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1 Commentaire

  • Lien vers le commentaire Adrien B mercredi, 30 mai 2018 12:22 Posté par Adrien B

    Juste pour vous dire, merci pour votre article. Mon cas correspond au point 3 que vous décrivez et répond complètement à la question.

    Je trouve par ailleurs abusifs les critères qui permettent de déterminer le caractère excessif d'une rémunération, notamment celui de comparaison à la moyenne du secteur d'activité.

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