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Gestion fiscale du patrimoine privé

Démêlez les noeuds de la fiscalité
jeudi, 12 avril 2018 11:17

Le gros bug de l'IFI, la valorisation des parts de société

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L'IFI est un impôt très complexe mais en plus il est mal conçu.

Le régime mis en place comporte en effet de nombreuses anomalies et je souhaite évoquer une de ces anomalies.

Mon excellent confrère Luc Jaillais avait déjà soulevé le point dans un article, non moins excellent, publié dans L'AGEFI ACTIFS le 26 janvier 2018.

Je rappelle que l'IFI institue un impôt avec comme base les immeubles moins les dettes relatives aux immeubles. Une espèce d'actif net immobilier.

L'anomalie résulte du mode de calcul du montant taxable d'une participation dans une société.

En matière d'IFI seuls les immeubles sont taxables. Mais aussi les immeubles détenus indirectement par l'intermédiaire d'une société. Jusque-là c'est normal.

 

Le problème est de savoir comment calculer la base taxable d'une participation dans une société sachant que, en principe, il faut faire respecter un principe de neutralité.

Le fait de détenir un immeuble par une société devrait, ni alléger, ni alourdir la base taxable, par rapport à la situation d'une détention directe.

Or tel n'est pas le cas dans le régime actuel de l'IFI et je vais le démontrer.

 

La règle pour calculer la base taxable d'une société consiste d'abord à calculer le coefficient immobilier. Ce coefficient est le rapport entre la valeur de l'immobilier taxable sur le total du patrimoine de la société.

Ensuite il faut multiplier la valeur des parts par ce coefficient pour obtenir la base taxable.

Cette méthode est intrinsèquement fausse.

 

Prenons un cas simple d'une personne qui détient 100 % d'une SCI et l'achat d'un immeuble de placement d'une valeur de 1 M€.

Si j'achète l'immeuble directement avec mes fonds perso, ma base taxable augmente de 1 M€.

Si je crée une SCI en apportant 1 M€ de fonds propres, je crée une SCI avec un coefficient immobilier de 1 et une valeur des parts de 1 M€, donc ma base taxable est aussi de 1 M€. Jusque-là tout va bien. Aucune anomalie. C'était juste un exemple pour l'échauffement.

 

Mais prenons un cas plus tordu.

J'ai une SCI préexistante qui détient 1 M€ de placements financiers non immobiliers et une dette de 1 M€. A ce stade, cette SCI à un coefficient immobilier de 0 car elle ne détient aucun immeuble. Donc sa base taxable est nulle. La situation serait la même si l'actif était détenu en direct. C'est neutre tout va bien.

Mais je décide que cette SCI va acheter un immeuble de 1 M€ en finançant cet achat par un apport en capital de 1 M€.

Donc, après l'opération, ma SCI a un coefficient immobilier de 50 %. La moitié de son actif est un immeuble. La base taxable se calcule en multipliant ce coefficient par la valeur des parts, soit 50 % de 1 M€, soit 500 K€.

La société vaut en effet maintenant 1 M€ car elle a acheté un nouveau bien et il est financé par des capitaux propres.

Après cette opération ma base taxable à l'IFI a augmenté de 500 K€.

Pourtant si j'avais acheté cet immeuble directement, ma base taxable aurait augmenté de 1 M€.

Donc grâce au schéma de la SCI préexistante et endettée, j'ai réduit ma base taxable de 500 K€.

Ce n'est pas un abus de droit, ce n'est pas de la magie, cela résulte d'un régime mal conçu.

 

Et d'ailleurs je peux prendre un cas inverse où la détention par la SCI me défavorise.

Ce cas est celui d'une SCI qui a un capital de 1 M€ et qui détient des placements non immobiliers pour 1 M€. Sa valeur taxable en IFI est nulle car son coefficient est nul. Jusque-là tout va bien.

Mais si cette SCI achète un immeuble d'une valeur de 1 M€ en s'endettant, son coefficient sera de 50 %. La valeur des parts de la société s'élève alors toujours à 1 M€. Donc la base taxable IFI est de 500 K€.

Mais pourtant si j'avais acheté cet immeuble directement ma base taxable aurait été nulle car j'aurais pu imputer un passif supplémentaire de 1 M€ sur l'actif supplémentaire de 1 M€.

Donc cette fois le fait de passer par une SCI aboutit à majorer la base taxable de 500 K€.

 

D'où vient l'anomalie ?

Elle vient de l'utilisation du coefficient immobilier. C'est une ineptie.

Il aurait fallu raisonner plus simplement en valorisant la base taxable des parts de la SCI en faisant comme si le patrimoine, actif et passif, de la SCI était détenu directement par le particulier. Dans ce calcul, la base taxable était nécessairement la même qu'en cas de détention directe.

Le calcul par le coefficient est faux car il ne tient pas compte correctement du passif de la société. Le coefficient n'en tient pas compte. Certes, l'évaluation des parts en tient compte mais en le multipliant par un coefficient. Donc le passif n'est pris en compte que partiellement. Parfois c'est avantageux, parfois c'est désavantageux.

En effet, en cas de détention directe, soit le passif est pris en compte à 100 % s'il sert à financer un bien taxable, soit il est sans effet s'il sert à financer un bien non taxable.

Pour les matheux, le régime actuel est égal à :

Base IFI = I/(I+P) * (I+P – D) avec I pour l'immeuble taxable, P pour les placements non taxables et D la dette, quelle qu'elle soit.

Si D = 0 pas de problème, la formule donne une base taxable égale à I.

Si D est positif, la formule donne une base taxable inférieure à I, ce qui, par rapport à la détention directe, est avantageux si D est une dette relative au financement de P ; et ce qui est désavantageux si D est une dette relative au financement de I.

Autrement dit en détention directe, la dette est déductible à 100 % si elle se rapporte à un immeuble taxable, et non déductible en totalité si elle se rapporte à un autre bien. Donc c'est tout ou rien.

Mais en société, avec ce calcul basé sur un coefficient immobilier, la dette est déductible au prorata du coefficient. C'est correct si les dettes sont réparties entre les deux type d'actif selon le même coefficient, par exemple si tous les actifs sont financés par emprunt.

Sinon c'est faux.

Tout le monde m'a bien compris où je recommence ?

Non je ne recommence pas, vous n'avez qu'à relire.

 

Le législateur s'est fourvoyé avec ce concept de coefficient immobilier, qui apporte une dose de complexité, et qui fausse le calcul.

Pourquoi faire simple et juste, quand on peut faire compliqué et faux ?

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15 Commentaires

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul mercredi, 29 avril 2020 13:27 Posté par Duvaux Paul

    Réponse à Malavieille : vous vous trompez. Le calcul du coefficient immobilier ne tient pas compte du passif. Vous confondez avec le calcul de la valeur. Relisez les textes.

  • Lien vers le commentaire Malavieille mercredi, 29 avril 2020 12:57 Posté par Malavieille

    Les deux exemples me semblent faux. Le coefficient immobilier se calcul selon valeur de l'immobilier moins crédit afférent par rapport à la totalité du patrimoine c'est à dire à l'actif net.
    Dans le premier exemple l'actif net de l'entreprise est de 1MF (2MF - 1MF d'endettement) et donc le coefficient immobilier est de 100% puisqu'il n'y a pas de crédit immobilier et donc comme si détenu directement.
    Même chose sur le second exemple, l'immobilier est à zéro puisque compensé par un crédit à 100%

  • Lien vers le commentaire sabbagh lundi, 01 avril 2019 10:21 Posté par sabbagh

    bonjour ,
    j'ai constitué en juin 2018 une sci familiale ma femme et mes enfants détenant le reste du capital,dont je suis le gérant et détiens 101 parts sur 200.Cette sci au capital de 1000 euros a acheté un bien au prix de revient avec frais de notaire de 1363 000 euros.Son premier bilan par statut se clôt au 31 12 2019. Cette acquisition est faite par un prét consenti à la sci par ma femme et moi.
    je souhaite ceder à mes enfants la nue propriété de mes parts70% de la valeur .Quelle valeur doit on prendre :
    celle du capital social:10 euros ,celle du prix de revient du bien qui fait l'objet d'un prêt non remboursé de 1363 000 euros soit 6815 euros la part?
    Doit on prendre une décote sur ces valeurs possibles et si oui lesquelles?Merci de votre réponse.

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul lundi, 18 juin 2018 12:13 Posté par Duvaux Paul

    Non ce ne serait moins compliqué que le système actuel. Ce serait comme la détention directe avec un pourcentage correspondant au montant du capital détenu.

  • Lien vers le commentaire FF mercredi, 13 juin 2018 21:16 Posté par FF

    Bonjour,

    D'un autre côté, les sociétés ne sont pas soumises au refus partiel de déduction des prêts "in fine", ni des prêts finançant un patrimoine immobilier supérieur à 5M€.

    Je n'ose même pas imaginer la complexité de calcul dans ces deux cas, si la logique devenait "détention directe taxée comme détention indirecte".

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul dimanche, 10 juin 2018 19:11 Posté par Duvaux Paul

    Attention ne pas confondre les sociétés immobilières de copropriété, dites transparentes, avec les sociétés immobilières de personnes, comme les SCI de droit commun. Les SCI de droit commun ne sont pas des sociétés de l'article 1655 ter du CGI.

  • Lien vers le commentaire lakhnag dimanche, 10 juin 2018 18:18 Posté par lakhnag

    Bonjour,
    Je pense que cette problématique ne se pose plus avec la nouvelle instruction publiée par l'administration!

    BOI-PAT-IFI-20-20-10
    "...En effet, les membres des sociétés dotées de la transparence fiscale au sens de l’article 1655 ter du CGI sont considérés, sur le plan fiscal, comme personnellement propriétaires des locaux à la jouissance desquels leurs actions ou parts sociales leur donnent vocation…"

    Cordialement

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul mardi, 22 mai 2018 16:59 Posté par Duvaux Paul

    Je ne peux pas répondre sérieusement sans connaître votre dossier. Mais la valeur d'une SCI peut être estimée généralement sur la base de la différence entre la valeur réelle de son patrimoine moins ses dettes. Peu importe le prix d'achat des immeubles.

  • Lien vers le commentaire karin mardi, 22 mai 2018 16:52 Posté par karin

    Comment évaluer la valeur des parts d'une SCI crée en 1968 et constituée d'un seul immeuble acheté en 1968 250.000 FRANCS

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul lundi, 21 mai 2018 08:31 Posté par Duvaux Paul

    oui

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