mardi, 02 avril 2024 15:16

L'échec du référé du lobby de l'hôtellerie contre les meublés de tourisme

Évaluer cet élément
(1 Vote)

Rappelons que les services fiscaux ont publié une doctrine admettant que les nouveaux seuils et abattements des meublés de tourisme ne s'appliquent pas rétroactivement en 2023 mais seulement en 2024. Mais cela ne plait pas au lobby de l'hôtellerie qui souhaiterait une application rétroactive de l'obligation de relever du régime réel.  Ils en engagé une action devant le CE pour obtenir l'annulation de la doctrine. Ils ont même engagé une action en référé pour obtenir en urgence une suspension de cette tolérance. Le Conseil d'Etat a rejeté cette demande par sa décision du 18 mars 2024 jointe.

Selon moi, la loi ne visait pas à punir les méchants exploitants de tourisme au titre de leur activité réalisées en 2023, qui par hypothèse a déjà eu lieu, mais seulement de lutter contre le surtourisme, pour l'avenir. Donc l'action du lobby est sans lien avec l'objectif prétendument poursuivi.

Cela étant le Consei d'Etat devra se prononcer sur le fond du dossier. Il est très probable que la décision intervienne vers la fin du mois de juin, donc après la période locative, et dans ce ce cas ce sera trop tard. Mais le Conseil d'Etat semble dire le contraire en indiquant une décision à venir dans les prochaines semaines. Suspens !

Mise à jour juillet 2024

Dans une décision du 8 juillet 2024 (492382, 492582), le Conseil d'Etat a annulé le BOFIP permettant de ne pas appliquer les nouveaux seuils du micro en 2023. Mais cette annulation est intervenue trop tard car longtemps après les déclarations de revenus. Or au moment de ces déclarations de revenus, les contribuables étaient en droit d'utiliser la doctrine encore applicable à cette date. Autrement dit l'annulation de la doctrine n'a aucun effet rétroactif.

En définitive le Conseil d'Etat a pris son temps pour que, de fait, sa décision n'ait aucune conséquence.

Selon moi, c'est juste en équité car la doctrine annulée permettait d'éviter d'imposer rétroactivement une obligatoin de formalisme et alors qu'il n'y avait aucune urgence validant cette rétroactivité.

Mais il faut reconnaître qu'en droit pur c'est assez choquant qu'une doctrine illégale puisse prendre effet, sans recours possible efficace. Dans d'autres circonstances, cette situation pourrait constituer une grossière atteinte à l'Etat de droit.

Et la question du régime micro réformé va se poser à nouveau avec les effets éventuellement rétroactifs de la nouvelle réforme du micro pour 2025 durcissant encore le régime. Il serait judicieux cette fois de reporter la mesure à l'année 2025.

 

 

 

Conseil d'État

N° 492386
ECLI:FR:CEORD:2024:492386.20240318
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés

Lecture du lundi 18 mars 2024

Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 492386, par une requête, enregistrée le 6 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... C... et M. A... D... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution des commentaires administratifs publiés le 14 février 2024 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts dans la rubrique Actualités " BIC - Régime fiscal de la location meublée touristique : modalités d'application (CGI, art. 50-0) (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 45) - Exonération des produits de la location ou de la sous-location d'une partie de la résidence principale du bailleur (CGI, art. 35 bis) - Actualisation pour 2024 du seuil de tolérance administrative et prorogation de la période d'application (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 38 " ;

2°) de mettre à la charge du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique les entiers dépens.

Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable et ils justifient d'un intérêt pour agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, les contribuables peuvent se prévaloir des commentaires contestés pour la détermination de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2023 lors de leur déclaration d'impôt au cours du mois d'avril 2024 et, d'autre part, les commentaires contestés privent de toute portée les dispositions de l'article 45 de la loi de finances pour 2024 empêchant ainsi l'administration fiscale de procéder à une remise en cause du régime des microentreprises pour l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2023 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des commentaires administratifs contestés ;
- les commentaires contestés ont été pris par une autorité incompétente dès lors que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne peut pas dispenser les contribuables d'appliquer les dispositions de la loi de finances pour 2024 pour la détermination de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2023 par voie de circulaire ;
- ils sont entachés d'illégalité dès lors qu'ils prévoient une restriction du champ d'application des dispositions de l'article 45 de la loi de finances pour 2024 aux seules locations de meublés de tourisme non classés.

II. Sous le n° 492589, par une requête enregistrée le 14 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour un tourisme professionnel, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie et le Groupement des hôtelleries et restaurations de France demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative de suspendre l'exécution des commentaires administratifs publiés le 14 février 2024 au BOFiP - Impôts dans la rubrique Actualités " BIC - Régime fiscal de la location meublée touristique : modalités d'application (CGI, art. 50-0) (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 45) - Exonération des produits de la location ou de la sous-location d'une partie de la résidence principale du bailleur (CGI, art. 35 bis) - Actualisation pour 2024 du seuil de tolérance administrative et prorogation de la période d'application (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 38 ", en particulier le 1.

Ils soulèvent les mêmes moyens que la requête n° 492386.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre les mêmes dispositions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

3. Les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des commentaires administratifs publiés le 14 février 2024 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts dans la rubrique Actualités " BIC - Régime fiscal de la location meublée touristique : modalités d'application (CGI, art. 50-0) (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 45) - Exonération des produits de la location ou de la sous-location d'une partie de la résidence principale du bailleur (CGI, art. 35 bis) - Actualisation pour 2024 du seuil de tolérance administrative et prorogation de la période d'application (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, art. 38 ". Toutefois, dès lors que les recours pour excès de pouvoir introduits par les requérants seront appelés à une audience dans les prochaines semaines au rapport de la 8ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat et qu'il n'apparaît pas, au vu des éléments apportés par les requérants, que la mise en oeuvre de la mesure contestée caractériserait une situation d'urgence telle qu'elle justifie la suspension de son exécution sans attendre le jugement au fond, les présentes requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Les requêtes de M. C... et M. D... et de l'Association pour un tourisme professionnel, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie et le Groupement des hôtelleries et restaurations de France sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C..., M. A... D... et à l'Association pour un tourisme professionnel, première dénommée sous le n° 492589.
Fait à Paris, le 18 mars 2024
Signé : Christophe Chantepy

Lu 907 fois