lundi, 13 novembre 2023 09:54

Les débats au Sénat suite

Évaluer cet élément
(3 Votes)

Je propose de reprendre un extrait des débats au Sénat avec un nouveau discours du ministre. Certains éléments sont intéressants, notamment quand le ministre reconnaît que la question de la fiscalité est d'une grande complexité.

 

Mme Viviane Artigalas. - L'accès au logement est devenu un problème à la fois pour les locataires et pour ceux qui souhaitent devenir propriétaires. Ce problème concerne désormais tous les territoires, y compris les territoires ruraux. Les causes sont multiples, je souhaite insister sur deux d'entre elles : le coût du foncier et la fiscalité locative.

Concernant le coût du foncier, nous attendons avec impatience des outils de régulation. Quant à la fiscalité locative, elle s'effectue au profit des meublés touristiques et au détriment des logements à l'année. Alors que le nombre de résidences louées sur les plateformes ne cesse d'augmenter chaque année au détriment du marché locatif transitionnel, les ajustements que vous proposez dans le projet de loi de finances pour 2024 ne permettront pas d'inverser la tendance, d'autant plus que les mesures ne concernent que les zones tendues.

Monsieur le ministre, pourquoi attendez-vous 2025 pour lancer cette réforme de la fiscalité locative, alors que des propositions existent déjà à l'Assemblée nationale ?

Vous avez évoqué un outil de régulation des meublés touristiques. Pourquoi ne pas élargir le décret dédié aux zones touristiques tendues, mais sans appliquer la méthode des prix hédoniques, choisie pour le premier élargissement, qui a parfois donné des résultats surprenants ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Je me suis déjà exprimé sur les outils de régulation du foncier. Je partage votre analyse, il faudra inventer de nouveaux outils. Au niveau des collectivités, nous ne pouvons même pas user d'un droit de préemption pour lutter contre la spéculation foncière.

Concernant les meublés touristiques, il y a deux sujets : celui de la fiscalité et celui de la régulation du développement par la commune. Le deuxième sujet me semble le plus urgent à traiter. Avec un outil de régulation, les communes qui le souhaitent auraient les moyens, par exemple, de fixer des quotas, voire d'interdire le développement. Tel est le sens de la proposition de loi de M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur qui doit arriver en décembre à l'Assemblée nationale, donc au premier trimestre de 2024 au Sénat. Au mois de mars 2024, si tout va bien, nous pourrons mettre cet outil de régulation à la disposition des communes.

Mme Viviane Artigalas. - Les zones tendues seront-elles les seules concernées ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Toutes les communes le seront. Lorsque nous disposerons de cet outil de régulation, l'autre sujet, celui de la fiscalité, pourra être posé. À mes yeux, il s'agit avant tout d'une question de justice fiscale. Est-il légitime qu'une personne louant un meublé bénéficie d'une aide publique supérieure à une personne louant un non-meublé ? D'un côté, nous ne devons pas décourager les investisseurs ; de l'autre, nous devons pouvoir réguler un certain nombre de marchés quand ils génèrent une attrition de logements, empêchant les étudiants, les saisonniers, voire certains résidents du territoire d'accéder au logement.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il faut aussi intégrer les logements touristiques dans le calendrier de la loi Climat et résilience, car même ceux qui sont étiquetés F ou G ne sont pour l'instant pas concernés.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - La mesure figure dans la proposition de loi Le Meur-Echaniz, mais sa mise en oeuvre reste difficile à cause du principe de décence. En effet, le locataire d'un logement classé G attaquera probablement son propriétaire en justice, sauf s'il s'agit d'un meublé touristique. Le système prévu pour la location de longue durée ne fonctionne pas pour les meublés touristiques. Il reste donc à l'adapter en exploitant par exemple l'outil de régulation dont dispose la commune, celle-ci pouvant refuser l'agrément aux propriétaires de meublés touristiques classés G. Toutefois, dans la mesure où le dispositif ne s'appliquera pas de la même manière sur le territoire national, nous nous heurtons à un problème d'ordre juridique.

M. Rémi Cardon. - Vous vous êtes prononcé à plusieurs reprises, dans la presse, en faveur de l'alignement de la fiscalité des meublés touristiques sur celle des meublés traditionnels et des locations vides. Vous avez également précisé qu'il fallait laisser la main aux parlementaires.

Toutefois, à l'Assemblée nationale, quelque 312 députés, soit la majorité absolue, ont proposé, dans le cadre d'un amendement au PLF 2024, d'harmoniser les abattements fiscaux des revenus des meublés touristiques avec ceux de la location de longue durée, en prévoyant un taux unique de 40 % pour tous les types de logements, ce qui mettrait fin à la niche fiscale Airbnb. Il semble que le recours à l'article 49.3 vous ait fait rentrer dans le rang, même si vous envisagez désormais des perspectives de réflexion pour 2025.

Comment expliquez-vous votre impuissance, monsieur le ministre ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Je ne suis pas impuissant et je donne raison à la Première ministre. Certes, j'ai pu livrer une position personnelle, mais j'ai toujours précisé qu'il était plus urgent de doter les collectivités d'un outil de régulation plutôt que de travailler sur la fiscalité. C'est ainsi que l'on pourra arrêter l'explosion du phénomène de la location des meublés touristiques.

Le système de la fiscalité locative est d'une grande complexité, car plusieurs régimes différents coexistent. En outre, nous avons besoin que les investisseurs particuliers continuent de développer le parc locatif privé.

La Première ministre a souhaité soutenir la proposition de loi sur l'outil de régulation pour les collectivités, dont le parcours législatif est en cours et qui pourra être mise en oeuvre dès le mois de mars prochain - je l'espère, du moins.

Nous aurons ensuite à réfléchir sur la fiscalité locative dans sa globalité, en prenant en compte l'ensemble des régimes et des problématiques. Nous prendrons le temps d'examiner tous les effets de bord et toutes les conséquences d'un alignement des régimes, avec pour objectif de procéder à une réforme globale de la fiscalité locative.

 

Lu 906 fois