Le 1er vote de la loi LE MEUR au sénat donne le résultat suivant (sauf erreur) :
Loi LE MEUR votée au Sénat | |||||
Meublé de tourisme non classé | Meublé de tourisme classé | Chambre d'hôtes | Parahôtellerie autre que les chambres d'hôtes | Location meublée longue durée | |
Seuil | 23 000 | 77 700 | 188 700 | 188 700 | 77 700 |
Abattement | 30% | 50% | 71% | 71% | 50% |
C'est moins pire que le texte voté par l'Assemblée Nationale.
Mais surtout le texte prévoit deux bonnes nouvelles :
Les règles de la loi de finances pour 2024 ne s'appliqueraient pas pour 2023.
Les nouvelles règles de la loi LE MEUR ne s'appliqueraient qu'en 2025.
Donc les sénateurs ont intégré le respect de la Constitution sur la non-rétroactivité des lois fiscales quand rien ne justifie son application rétroactive (en fait c'est un amendement inspiré par le gouvernement).
A suivre, car il faut attendre le texte final.
Le texte du sénat
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – L’article 50‑0 est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « aux 2° et » sont remplacés par le mot : « au » ;
b) Le 1° bis est ainsi rédigé :
« 1° bis 23 000 € s’il s’agit d’entreprises dont l’activité principale est de louer directement ou indirectement des meublés de tourisme, au sens de l’article L. 324‑1‑1 du code du tourisme, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l’article 1407 du présent code ; »
c) Les cinquième à treizième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l’activité d’une entreprise se rattache à plusieurs catégories définies aux 1°, 1° bis et 2°, le régime défini au présent article n’est applicable que si le chiffre d’affaires hors taxes global de l’entreprise respecte la limite mentionnée au 1° et si le chiffre d’affaires hors taxes afférent aux activités mentionnées aux 1° bis et 2° est inférieur ou égal aux limites respectives mentionnées aux mêmes 1° bis et 2°.
« Le résultat imposable, avant prise en compte des plus ou moins‑values provenant de la cession des biens affectés à l’exploitation, est égal au montant du chiffre d’affaires hors taxes diminué d’un abattement de 71 % pour le chiffre d’affaires provenant d’activités de la catégorie mentionnée au 1°, d’un abattement de 50 % pour le chiffre d’affaires provenant d’activités de la catégorie mentionnée au 2° et d’un abattement de 30 % pour le chiffre d’affaires provenant d’activités de la catégorie mentionnée au 1° bis. Ces abattements ne peuvent être inférieurs à 305 €.
« Les plus ou moins‑values mentionnées au cinquième alinéa sont déterminées et imposées dans les conditions prévues aux articles 39 duodecies à 39 quindecies, sous réserve des dispositions de l’article 151 septies. Pour l’application de la première phrase du présent alinéa, les abattements mentionnés au sixième alinéa sont réputés tenir compte des amortissements pratiqués selon le mode linéaire. » ;
d) Au quatorzième alinéa, après les mots : « au présent 1 », sont insérés les mots : « , à l’exception du seuil prévu au 1° bis, » ;
2° Au a du 2, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
B. – Au premier alinéa du III de l’article 151‑0, le mot : « douzième » est remplacé par le mot : « septième ».
II. – Le présent article s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2025.
Amdt n° 161
III (nouveau). – Pour l’imposition des revenus perçus en 2024, l’article 50‑0 du code général des impôts s’applique dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l’article 45 de la loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
Je propose ci-après les extraits de la discussion du Sénat sur la loi LE MEUR à propos des réformes fiscales contenues dans cette loi. Notez en particulier la remarque sur l'absence d'étude d'impact sur la réintégration des amortissements dans les plus-values.
Après avoir été votée en première lecture par l'Assemblée Nationale, la loi est examinée par le Sénat.
La Commission des affaires économiques a rendu son rapport (avec une version synthétique).
Cette commission a fait un travail sérieux.
Elle propose en particulier de changer le titre de la loi avec une explication très juste :
"Cette proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en janvier, porte l’ambition de remédier aux déséquilibres du marché locatif : or, ses sept articles concernent exclusivement la location meublée touristique, un phénomène dont l’essor peut engendrer des déséquilibres mais qui ne saurait résumer à lui seul les causes profondes de l’attrition du marché locatif
La commission est consciente du phénomène d’éviction du logement locatif permanent auquel font face certaines communes – et notamment des grandes villes – en raison d’un essor de la location meublée touristique, source de revenus complémentaires pour les propriétaires mais qui est longtemps demeurée non-régulée, entraînant un effet d’aubaine pour des investisseurs pour qui les meublés de tourisme sont devenus un placement financier.
Néanmoins, ce phénomène ne doit pas en éluder d’autres qui ont aussi leur rôle à jouer dans les déséquilibres du marché locatif, à l’instar des vacances de logements, de la détérioration de la rentabilité locative ou de la réduction du soutien au logement social (…)
À l’initiative de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement modifiant le titre de la proposition de loi, en cohérence avec son dispositif, qui fait d’elle non pas une proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif mais une proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale."
En revanche sur le plan fiscal, le texte proposé par le Sénat illustre à la fois sa dépendance au lobby hôtelier et son manque de compétence technique.
Je reprends ci-après en italique le texte du Sénat présentant sa version du volet fiscal de la loi
"Le présent amendement vise à rééquilibrer les régimes fiscaux applicables à la location nue et à la location meublée de tourisme, tout en conservant une incitation au classement pour les loueurs de meublés de tourisme. Il propose de maintenir un régime micro-BIC non pénalisant pour ceux qui y ont recours et simplifie le dispositif fiscal proposé, notamment en supprimant le zonage inopérant prévu par l’article et en s’alignant sur des plafonds existants.
Ainsi, il prévoit d’aligner le taux d’abattement du régime micro-BIC de la location de meublés de tourisme non classés sur le régime micro-foncier de la location nue, à savoir un abattement de 30 % du chiffre d’affaires. Les meublés de tourisme classés bénéficieraient d’un abattement de 50 %, qui permet de prendre en compte les charges supplémentaires du classement pour les propriétaires et de maintenir une incitation significative au classement.
Les hébergements classés seraient alignés sur le régime micro-BIC de droit commun, à savoir, associé à un abattement de 50 %, un plafond d’éligibilité fixé à 77 700 euros de chiffre d’affaires. Le régime dérogatoire dont ils bénéficiaient jusqu’en loi de finances pour 2024, à savoir un abattement de 71 % jusqu’à 188 700 euros de chiffre d’affaires, constituait en effet un avantage fiscal manifestement excessif.
Par ailleurs, l’amendement aligne le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourisme non classés sur celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), à savoir 23 000 euros de chiffre d’affaires."
Mes commentaires
Les sénateurs méritent le bonnet d'âne fiscal.
Tout d'abord, il est délirant d'aligner le régime micro du meublé sur celui de la location nue.
Rappelons que la location meublée impose de prévoir des meubles, ce qui représente un coût supplémentaire, qui n'existe pas en location nue. Donc il est absurde de reprendre le même abattement que la location nue et rien ne peut le justifier, sauf à faire plaisir au lobby hôtelier.
Et bien entendu, le meublé touristique, classé ou pas, impose de prévoir en plus un service d'accueil et de nettoyage des locaux. Donc le meublé touristique mérite un abattement supérieur à la location nue, et supérieur à la location meublée longue durée.
Cela crée une concurrence fiscale déloyale avec les hôtels, sauf à limiter les charges déductibles des hôtels à 30 % de leur chiffre d'affaires.
Mais le pompon (du bonnet) est pour la fin :
"L’amendement aligne le plafond du régime micro-BIC des meublés de tourisme non classés sur celui de la location meublée non professionnelle (LMNP), à savoir 23 000 euros de chiffre d’affaires."
Donc, le Sénat propose de reprendre comme plafond du régime micro des meublés de tourisme non classés le seuil de 23 K€ qui sert à définir le régime des LMNP.
Cela aboutit à exclure les LMP exploitants de meublé de tourisme non classé du régime micro.
Mais cela aboutit aussi à exclure du régime micro beaucoup de LMNP exploitant de ce type d'activité.
En effet, un LMNP peut très bien dépasser le seuil de 23 K€ sans devenir LMP puisque la qualité de LMP suppose de remplir deux conditions cumulatives : des recettes supérieures à 23 K€ et supérieures aux autres revenus. Je doute fort que les sénateurs aient cette information.
Et enfin, le texte du sénat prévoit que ce nouveau régime s'appliquerait rétroactivement aux revenus de 2024. Donc le projet des sénateurs viole grossièrement la Constitution en imposant aux contribuables concerncés de reconstituer rétroactivement une comptabilité commerciale.
Or s'il s'agit de lutter contre les avantages fiscaux du meublé de tourisme qui le favoriseraient trop, il n'y a aucune raison de se précipiter pour "punir" les exploitants sur 2024, il suffit de prévoir que le nouveau régime prenne effet en 2025, pour espérer les dissuader de faire du meublé de tourisme en 2025.
Attention : tout cela reste un projet et le texte final sera sans doute différent, et notamment sur le plan fiscal.
Dans une récene réponse ministérielle, le ministre annonce que la loi LE MEUR sera examinée au Sénat le 21 mai :
J'ai consulté la nouvelle déclaration des revenus et j'ai pu constater que l'imprimé reprenait bien de facto les abattements d'avant la réforme de la loi de finances 2024 pour les meublés de tourisme non classés en régime micro.
Rappelons que les services fiscaux ont publié une doctrine admettant que les nouveaux seuils et abattements des meublés de tourisme ne s'appliquent pas rétroactivement en 2023 mais seulement en 2024. Mais cela ne plait pas au lobby de l'hôtellerie qui souhaiterait une application rétroactive de l'obligation de relever du régime réel. Ils en engagé une action devant le CE pour obtenir l'annulation de la doctrine. Ils ont même engagé une action en référé pour obtenir en urgence une suspension de cette tolérance. Le Conseil d'Etat a rejeté cette demande par sa décision du 18 mars 2024 jointe.
Selon moi, la loi ne visait pas à punir les méchants exploitants de tourisme au titre de leur activité réalisées en 2023, qui par hypothèse a déjà eu lieu, mais seulement de lutter contre le surtourisme, pour l'avenir. Donc l'action du lobby est sans lien avec l'objectif prétendument poursuivi.
Cela étant le Consei d'Etat devra se prononcer sur le fond du dossier. Il est très probable que la décision intervienne vers la fin du mois de juin, donc après la période locative, et dans ce ce cas ce sera trop tard. Mais le Conseil d'Etat semble dire le contraire en indiquant une décision à venir dans les prochaines semaines. Suspens !
Mise à jour juillet 2024
Dans une décision du 8 juillet 2024 (492382, 492582), le Conseil d'Etat a annulé le BOFIP permettant de ne pas appliquer les nouveaux seuils du micro en 2023. Mais cette annulation est intervenue trop tard car longtemps après les déclarations de revenus. Or au moment de ces déclarations de revenus, les contribuables étaient en droit d'utiliser la doctrine encore applicable à cette date. Autrement dit l'annulation de la doctrine n'a aucun effet rétroactif.
En définitive le Conseil d'Etat a pris son temps pour que, de fait, sa décision n'ait aucune conséquence.
Selon moi, c'est juste en équité car la doctrine annulée permettait d'éviter d'imposer rétroactivement une obligatoin de formalisme et alors qu'il n'y avait aucune urgence validant cette rétroactivité.
Mais il faut reconnaître qu'en droit pur c'est assez choquant qu'une doctrine illégale puisse prendre effet, sans recours possible efficace. Dans d'autres circonstances, cette situation pourrait constituer une grossière atteinte à l'Etat de droit.
Et la question du régime micro réformé va se poser à nouveau avec les effets éventuellement rétroactifs de la nouvelle réforme du micro pour 2025 durcissant encore le régime. Il serait judicieux cette fois de reporter la mesure à l'année 2025.
Compte tenu des évolutions en cours du régime fiscal du meublé (loi LE MEUR sur le micro, réforme annoncée de la fiscalité du logement avec probablement remise en cause des avantages fiscaux du meublé), que faut-il faire en ce début d'année 2024 ?
Comme il est difficile de prévoir ce que sera, en fin d'année, l'état de la réglementation fiscale mais qu'il est légitime d'espérer qu'il n'y aura pas d'effet rétroactif, mon conseil pour l'instant est d'attendre la fin de l'année, et même le début de l'année prochaine, pour définir une nouvelle stratégie fiscale.
Mais ce conseil général comporte des exceptions.
Pour ceux qui font de la location meublée longue durée et qui appliquent le régime micro pour la dernière fois en 2023, il faut sérieusement envisager de passer au régime réel, ou de cesser l'activité de location meublée, en tout cas en direct.
Pour ceux qui font de la location meublée touristique en régime micro, il faut envisager de passer au régime de la parahôtellerie pour conserver ce régime.
Pour ceux qui sont encore LMNP au titre de l'année 2023, il peut être envisagé de faire un retrait d'actif au 31 décembre 2023 (avant le dépôt de la liasse fiscale de l'année 2023).
Dans tous les cas, il faut me consulter car chaque cas est particulier.
La fiscalité aussi, c'est compliqué et dangereux. Pour gérer vos problèmes fiscaux, pour faire face aux contrôles, et pour réduire le coût fiscal sur vos opérations ou sur vos revenus, je peux vous aider.