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jeudi, 18 septembre 2025 07:49

Les chambre d'hôtes exclues du régime de faveur du micro

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Au sens du régime micro les chambres d'hôtes sont des locations meublées

 

Pour le Conseil d'Etat une chambre d'hôtes est une location meublée

Le Conseil d'Etat vient de confirmer l'interprétation de l'article 50-0 du CGI retenue par les services fiscaux contre les chambres d'hôtes (CE n° 505228 16 septembre 2025).

Selon cette position, qui est maintenant la loi, il faut lire l'article du CGI comme excluant les chambres d'hôtes du régime de faveur du micro.

Ce régime de faveur prévoit l'application d'un seuil de 188 700 € et un abattement de 71 %. Il faut donc appliquer aux chambres d'hôtes en micro le seuil de 77 700 € et l'abattement de 50 %.

L'article prévoit que le régime de faveur est réservé aux "entreprises dont le commerce principal est de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés."

Donc, pour le Conseil d'Etat, les chambres d'hôtes exercent une activité de location meublée.

 

Le Conseil d'Etat préfère le flou

C'est très contestable car, jusqu'à cette décision, il ne faisait pas de toute que l'activité de chambre d'hôtes, qui implique la réalisation de services hôteliers, ne pouvait être considérée comme une activité de location meublée, ni au sens du code du tourisme, ni au sens du code général des impôts.

En effet, les entreprises de chambre d'hôtes exercent une activité de parahôtellerie qui devrait donc nécessairement les distinguer des loueurs en meublé.

Mais il est vrai qu'il y a toujours eu une confusion, chez de nombreuses personnes et dans plusieurs textes, entre l'activité de location meublée et celle de chambre d'hôtes.

Cette confusion se retrouve ailleurs dans la loi, au 1° bis de l'article 50-0 du CGI, puisque ce paragraphe évoque :

"1° bis 15 000 € s'il s'agit d'entreprises dont l'activité principale est de louer directement ou indirectement des meublés de tourisme, au sens du I de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, autres que les meublés de tourisme classés et les chambres d'hôtes."

Or il n'y a pas lieu d'évoquer les meublés de tourisme au sens "du I de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, autres que les meublés de tourisme classés et les chambres d'hôtes" puisque les chambres d'hôtes ne sont aucunement des meublés de tourisme et ne sont pas visées par l'article L 324-1-1 du code du tourisme qui définit les meublés de tourisme.

Au plan social, les entreprises de chambre d'hôtes relèvent également d'un régime spécifique, clairement distinct de celui des loueurs en meublé.

Donc la loi est très mal rédigée et elle mélange tout.

Cette confusion figure dans la doctrine administrative évoquant le les loueurs en meublé puisque les exploitants de chambres d'hôtes y sont considérés comme des loueurs en meublé (voir BOI-BIC-CHAMP-40-20 n°55 et 170 dans une partie consacrée à la location meublée).

Cette confusion figure aussi chaque année dans la déclaration de revenu sur l'imprimé 2042 C PRO permettant aux contribuables de déclarer leurs revenus BIC, puisque, depuis de nombreuses années, le tableau des revenus de locations meublés non professionnels (LMNP), en principe donc réservé aux déclarations des revenus des exploitants LMNP, prévoit, dans le sous-tableau relatif au régime micro, une ligne avec les cases 5NJ, 50J et 5PJ, intitulé : "chambres d’hôtes et meublés de tourisme classés".

Ainsi pour la DGFIP, les exploitants de chambres d'hôtes en micro doivent se déclarer en tant que LMNP !

A contrario toutefois, dans un autre passage de sa doctrine, l'administration indique que l'activité de chambre d'hôtes peut relever de la parahôtellerie :

"Il est précisé que la location de chambres d'hôtes et de meublés de tourisme peut relever du régime de la para-hôtellerie en raison des prestations annexes offertes (BOI-BIC-CHAMP-40-10) et conséquemment des seuils de 250 000 € et 350 000 € pour l'application de l'article 151 septies du CGI." (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 430).

La confusion est liée aussi à une grossière erreur de départ, celle qui consiste à définir un régime fiscal, qui doit être précis et strict, sur la base de référence à ces concepts du code du tourisme, qui ont été conçus uniquement comme des labels volontaires, choisis librement par les exploitants pour présenter leurs entreprises et leurs prestations aux clients. Ces labels ne sont pas obligatoires, ni indépendants les uns des autres. Les définitions se chevauchent. Le renvoi du droit fiscal au code du tourisme est une ineptie juridique.

Il est très regrettable que le Conseil d'Etat n'ait pas profité de ce dossier pour mettre fin à cette confusion qui risque de donner lieu à d'autres errements. Le droit fiscal a besoin d'une définition précise de ses concepts. Au cas particulier, le flou l'emporte.

Ce qui a entraîné la conviction du Conseil d'Etat au cas particulier, c'est l'examen des débats parlementaires car ce point avait été évoqué dans ces débats et les parlementaires avaient exclu les chambres d'hôtes du régime de faveur.

Autrement dit le Conseil d'Etat a fait prévaloir l'esprit du texte sur le texte lui-même, pour rattraper sa mauvaise rédaction.

Selon moi, il faut limiter la portée de cette décision au seul régime du micro. Sur tous les autres sujets, les exploitants de chambre d'hôtes doivent bien être considérés comme des exploitants parahôteliers et non comme des loueurs en meublé.

 

Le Conseil d'Etat réduit sensiblement le champ d'application des QPC

Par ailleurs, j'avais invoqué un argument subsidiaire : à supposer que la réponse ministérielle contestée donne une bonne interprétation de la loi, il pouvait être alors considéré que la loi instaurait une discrimination inconstitutionnelle, ce qui justifiait la saisine du Conseil Constitutionnel par une QPC (question prioritaire de constitutionnalité). La discrimination est que les hôtels ont droit à ce régime de faveur, et pas les chambres d'hôtes, et cela sans aucun motif.

Le Conseil d'Etat refuse par principe cette possibilité de QPC. Il faut selon moi interpréter cette décision comme interdisant toute QPC dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir.

C'est particulièrement regrettable car cela réduit fortement la portée du contrôle de constitutionnalité sur la loi.

Il y a lieu de se demander si cette position du Conseil d'Etat ne serait pas elle-même contraire à la Constitution.

Je cherche un volontaire pour faire du contentieux

La QPC suppose donc un recours de plein contentieux.

Donc, pour soulever l'argument de l'inconstitutionnalité du texte, il faudra qu'un contribuable exploitant une chambre d'hôtes en régime micro déclare ses recettes comme un hôtelier pour relever de l'abattement de 71 % et qu'il fasse l'objet d'un rappel. Ce contribuable pourra ensuite contester le rappel et soulever l'inconstitutionnalité de la loi.

J'espère qu'il y aura un jour un tel contribuable et qu'il fera appel à moi pour faire la procédure. Je lance un appel aux bonnes volontés. J'espère qu'il y aura au moins un volontaire pour cette bonne cause.

Dans ses conclusions, la rapporteure publique n'a pas donné d'indice pour savoir si une telle QPC aurait ou non une chance d'être admise par le Conseil d'Etat. Il est donc difficile de garantir le succès d'une telle procédure.

 

Point de vue pratique

Selon moi, il résulte de cette décision que les exploitants de chambre d'hôtes et les meublés de tourisme sont exclus du régime micro de faveur. Et peu importe qu'ils exercent une activité de parahôtellerie.

Mais, toujours selon moi, toutes les entreprises du secteur touristique qui relèvent d'un autre régime, ou qui ne relèvent d'aucun régime, peuvent en profiter. Cela concerne notamment les hôtels et les auberges collectives qui sont des labels officiels du code de tourisme.

Cela concerne également selon moi l'exploitant d'une chambre touristique qui n'aurait pas le label de chambre d'hôtes, notamment parce qu'il ne proposerait pas systématiquement de petit-déjeuner.

Dans cette situation particulière, l'exploitant ne pourrait pas bénéficier du régime social particulièrement avantageux des auto-entreprises propre aux chambres d'hôtes. Mais certains exploitants n'ont rien à perdre car ils en sont de toute façon exclus.

La définition d'un hôtel est très large. Ainsi une personne qui exploite des chambres d'hôtes pourrait renoncer à la catégorie de chambre d'hôtes et choisir celui d'hôtel non classé, pour pouvoir ensuite revendiquer le régime de faveur du micro.

Attention toutefois aux contraintes en matière d'urbanisme car est généralement admis que l'exploitation d'une chambre d'hôtes dans une résidence principale ne constitue pas un changement d'objet. Il en va différemment de la transformation d'un logement en hôtel.

Donc la solution du passage de l'activité de chambre d'hôtes à celle d'hôtel doit être étudiée avec précaution. Elle me paraît impossible dans les zones tendues où les règles de changement d'usage sont strictes mais elle peut être envisagée ailleurs que dans les zones tendues, et notamment pour les personnes qui n'ont rien à perdre car elles sont déjà exclues du régime social des auto-entrepreneurs.

Dans les zones tendues comme à Paris, je suggère d'abandonner le label de chambre d'hôtes et d'exercer l'activité en tant que location de chambre touristique chez l'habitant.

 

Textes de la décision

Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que Mme X demande l’annulation de la
réponse ministérielle, publiée au Journal officiel – Débats parlementaires du 13 mai 2025, à une question écrite de M. Naegelen, député, par laquelle la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme, indique que l’activité d’exploitation de chambre d’hôtes relève de la catégorie d’entreprises prévue au 2° du 1 de l’article 50-0 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, et, par conséquent, ne peut bénéficier du régime fiscal défini par ce même article que sous réserve d’un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 77 700 euros.
2. D’une part, aux termes de l’article 50-0 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du 1° du A du I de l’article 7 de la loi du 19 novembre 2024, applicable du 21 novembre 2024 au 15 février 2025 : « 1. Sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes, (…), n’excède pas, l'année civile précédente ou la pénultième année : / 1° 188 700 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est (…) de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés ; /
1° bis 15 000 € s'il s'agit d'entreprises dont l'activité principale est de louer directement ou indirectement des meublés de tourisme, au sens du I de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l'article 1407 du présent code ; / 2° 77 700 € s'il s'agit d'autres entreprises. / (…) ». L’article 110 de la loi de finances pour 2025 du 14 février 2025, en vigueur à compter du 16 février 2025, a remplacé, au 1° bis du 1 de l’article 50-0 du code général des impôts précité, la référence aux 2° et 3° du III de l’article 1407 de ce code par celle des 2° et 3° du I de l’article 1414 bis du même code.
3. Aux termes du I de l’article 1414 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l’article 110 de la loi de finances pour 2025, applicable aux impositions établies à compter de l’année 2025 et qui reprend en substance les dispositions du III de l’article 1407 du même code : « Dans les zones France ruralités revitalisation mentionnées aux II et III de l'article 44 quindecies A, les communes peuvent (…) exonérer :/ 1° Les locaux classés meublés de tourisme dans les conditions prévues à l'article L. 324-1 du code du tourisme ;/ 2° Les chambres d'hôtes au sens de l'article L. 324-3 du même code./(…) ». Aux termes de l’article L. 324-3 du code du tourisme : « Les chambres d'hôtes sont des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations ».
4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3, ainsi, au demeurant, que des travaux parlementaires, que bénéficient du régime des micro-entreprises prévu à l’article 50-0 du code général des impôts, les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur aux seuils prévus au 1 de cet article. S’agissant de l’activité d’exploitation de chambre d’hôtes au sens de l'article L. 324-3 du code du tourisme, qui relève, pour l’application de l’article 50-0 du code général des impôts, de la catégorie prévue au 2° du 1 de cet article dans sa rédaction issue de l’article 7 de la loi du 19 novembre 2024, ce seuil s’élève à 77 700 euros.
5. D’autre part, aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / (…) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (…) ».
6. Les réponses faites par les ministres aux questions écrites des parlementaires ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. Toutefois, il en va autrement lorsque la réponse comporte une interprétation par l'administration de la loi fiscale pouvant lui être opposée par un contribuable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 6, qu’en énonçant que l’activité d’exploitation de chambre d’hôtes relève de la catégorie prévue au 2° du 1 de l’article 50-0 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l’article 7 de la loi du 19 novembre 2024 et bénéficie par suite du régime prévu par cet article sous réserve d’un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 77 700 euros, la réponse ministérielle en cause ne méconnaît ni le sens ni la portée du dispositif législatif qu’elle entend expliciter. Il en résulte qu’elle ne peut être regardée comme contenant une interprétation par l’administration de la loi fiscale pouvant lui être opposée par un contribuable sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Les conclusions de la requête de Mme X tendant à l’annulation de cette réponse ministérielle sont, dès lors, pour ce motif, irrecevables.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les dispositions du 1 de l’article 50-0 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l’article 7 de la loi du 19 novembre 2024, porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, ni sur les autres moyens soulevés, que la requête de Mme X doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme X.
Article 2 : La requête de Mme X est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

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