vendredi, 30 mars 2018 07:33

Comment prendre ses sous en 2018

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C'est une question récurrente.

Comment un dirigeant peut prendre ses sous provenant de son activité professionnelle sans payer trop d'impôt ni de cotisations sociales.

Quel est le meilleur schéma ?

La réponse à cette question n'est pas évidente car il y a de nombreux facteurs à prendre en compte.

Le régime juridique, fiscal et social d'une entreprise dépend de nombreux autres impératifs, et notamment, les contraintes juridiques et financières, les optimisations à long terme en matière de cession et de transmission.

Mais supposons qu'il soit possible de partir d'une page blanche et qu'il n'y ait pas d'autre contrainte que celle visant à récupérer le plus de sous dans sa poche.

Prenons pour cela l'hypothèse d'un professionnel qui travaille seul dans le cadre de son activité professionnelle. Il gagne bien sa vie et veut savoir quel schéma juridique et fiscal mettre en place.

 

La rémunération du gérant majoritaire de SARL assujettie à l'impôt sur les sociétés

Le meilleur schéma est de créer son entreprise sous la forme d'une SARL assujettie à l'impôt sur les sociétés et de sortir les sous de la société sous la forme de la rémunération de gérant majoritaire.

Cela entraîne l'exigibilité des charges sociales du régime des travailleurs non-salariés (TNS) désormais géré par l'URSSAF.

Le régime des TNS est deux fois moins coûteux que celui des salariés, en gros 30 % au lieu de 60 % pour le régime des salariés.

Par ailleurs les cotisations sociales sont déductibles du revenu, ce qui réduit leur coût réel.

Il faut se verser une rémunération jusqu'à environ 60 K€. Pour le reste, il peut être judicieux de choisir de se verser un dividende. En tout état de cause, une rémunération ne doit pas être excessive au regard du travail fourni par le dirigeant et la valeur ajoutée qu'il apporte à l'entreprise.

Le fait de sortir ses sous par une rémunération de gérant majoritaire est en cash net dans la poche un peu moins favorable que le choix des dividendes purs, mais il permet de cotisation à un régime de retraite. Même si les régimes de retraite sont particulièrement mal gérés, il n'en demeure pas moins qu'il serait excessif de conclure que les cotisations retraite sont de l'argent définitivement perdu.

Pour ma part, dans mes calculs, je raisonne en considérant que les cotisations retraite constituent de l'épargne utile à hauteur de 50 % de leur montant.

Avec cette réintégration, le régime de la rémunération du gérant devient nettement plus intéressant que le régime des dividendes. Mais en fait, le mieux est encore de combiner rémunération du gérant et distribution de dividendes. Par exemple pour 200 K€ de profit brut, l'idéal serait plutôt de donner environ 60 K€ en rémunération du gérant et le reste en dividendes. Mais bien sûr il faut faire une simulation personnalisée.

Lorsque les dividendes sont importants dans une SARL, ils sont soumis à cotisations sociales. Mais, après calcul, pour les distributions importantes, l'assujettissement aux cotisations sociales des TNS est souvent plus avantageux que l'application des prélèvements sociaux de 17,2 %, principalement non déductibles.

 

L'interposition d'une holding

La difficulté posée par les distributions de dividendes en matière de SARL est que les dividendes supérieurs à 10 % du capital et des comptes courants sont assujettis aux cotisations sociales des TNS. Il faut donc en principe éviter de distribuer des dividendes qui dépassent ce seuil de 10 %.

Cela dit, il faut faire ses petits calculs car, comme je l'ai déjà indiqué, le coût des cotisations sociales sur les dividendes n'est pas nécessairement catastrophique si le montant de la distribution est très élevé, compte tenu du fait que les cotisations sociales sont en partie plafonnées, dont dégressives, et déductibles du revenu professionnel, même lorsqu'elles sont calculées sur les dividendes.

L'assujettissement des dividendes aux cotisations sociales est contourné si la SARL est détenue par une holding sous la forme d'une SAS. Les bénéfices remontent alors dans la holding avant d'être distribués à l'associé et sans application des cotisations sociales TNS puisque la distribution est le fait d'une SAS. Un tel schéma pourrait être considéré comme un abus de droit s'il n'était constitué que pour ce motif mais ce ne sera pas le cas car la holding présente d'autres intérêts et notamment de pouvoir faciliter la cession, la transmission ou encore la conservation de réserves à l'abri des risques de l'activité.

Cela dit selon moi selon ce schéma de holding en SAS pour contourner l'assujettissement des dividendes aux cotisations TNS est rarement judicieux.

 

Le président bénévole de SAS

Certains professionnels sont très hostiles à toute forme de cotisation sociale.

Pour eux, la solution semble être de constituer une SAS et d'y exercer une fonction de président bénévole et prendre tous ses sous la forme de dividendes.

Ce schéma est notamment à conseiller pour les personnes retraitées qui n'ont plus aucun intérêt à cotiser à un régime social quelconque.

 

La PUMA sort ses griffes

Le puma est l'animal à la mode chez les fiscalistes. C'est la Protection Universelle MAladie qui remplace la Couverture Maladie Universelle de base.

La solution des dividendes sans cotisations sociales présente un inconvénient pour un célibataire sans activité.

En effet, toute personne qui ne cotise à aucun régime social à hauteur d'un revenu d'au moins 4 000 € par an environ et qui gagne un revenu d'au moins environ 10 000 € doit verser une contribution de 8 % sur l'ensemble de ses revenus.

Il n'est donc pas judicieux de retenir la formule de la SAS avec président bénévole lorsqu'on est un célibataire rentier non retraité.

 

L'intérêt de l'entreprise individuelle

Le régime de l'entreprise individuelle présente certains charmes.

Il a d'abord le mérite de la simplicité.

De plus, dans une entreprise individuelle, le cash produit revient directement au professionnel et il n'y pas toutes les contraintes parfois gênantes de la réglementation des sociétés commerciales qui interdisent notamment de prendre ses sous quand ce ne sont pas des bénéfices.

Le régime des prélèvements sur les revenus est similaire à celui du gérant majoritaire de SARL. Autrement dit, il est plutôt bon.

Enfin, si l'entrepreneur envisage de vendre l'entreprise au moment de son départ à la retraite, il pourra bénéficier d'une exonération de la plus-value réalisée à cette occasion.

L'exonération n'est pas totale puisque les prélèvements sociaux sont dus. Mais cela reste très avantageux et plus avantageux que la vente de son entreprise sous la forme de société.

 

La niche fiscale de l'impôt sur les sociétés

L'inconvénient principal du régime de l'entreprise individuelle est l'impossibilité de bénéficier d'une taxation réduite sur les réserves.

En effet, en entreprise individuelle, les bénéfices sont taxés en tout état de cause et même si la trésorerie est laissée dans l'entreprise, par exemple pour payer des investissements (ou pour rembourser des prêts qui financent les investissements).

C'est le gros avantage des sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés. Les bénéfices mis en réserve profitent d'une véritable niche fiscale : l'impôt sur les sociétés.

Le taux de prélèvement est seulement de 15 % jusqu'à 38 120 € et 28 % au-delà.

Selon moi l'impôt sur la société doit être envisagé comme mode de conservation de son épargne et éventuellement par le jeu d'une holding intercalaire.

 

L'année blanche et les vielles bouteilles

Si la comptabilité 2017 n'est pas close, vous pouvez avoir intérêt à fixer un revenu de gérant élevé en 2017, car le revenu de gérant de 2018 sera en principe exonéré à hauteur du montant de la rémunération la plus élevée reçue au titre des années 2016, 2017 et 2018. Attention toutefois aux rémunérations excessives. La rémunération doit rester dans des limites raisonnables, mais de toute façon la plupart des sociétés n'ont pas les moyens de verser des rémunérations gonflées deux années de suite.

En 2018, les dividendes ne profiteront pas de l'année blanche, ils seront nécessairement taxés. C'est une forme de discrimination car il est anormal de présumer que les dividendes sont des revenus exceptionnels.

Mais paradoxalement, ce n'est pas nécessairement une mauvaise idée de distribuer des dividendes en 2018. En effet, les revenus exceptionnels de 2018 seront les seuls à être taxés mais ils seront taxés au taux moyen d'imposition théorique calculé sur la base de tous les revenus 2018.

Donc si vous avez des réserves à distribuer, c'est le moment ou jamais. Il faudrait faire un calcul pour choisir entre l'imposition selon le barème (avec abattement préalable de 40 %) ou l'imposition avec le régime de la flat tax de M. MACRON à 30 %. Selon moi, le régime fiscal des distributions de dividendes n'a pas été aussi favorable depuis longtemps et il est à craindre qu'il se durcisse dans les prochaines années. Il faut donc en profiter pour distribuer les vielles réserves.

Il faut boire les vielles bouteilles.

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20 Commentaires

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul samedi, 20 février 2021 09:08 Posté par Duvaux Paul

    Réponse à Eric : je ne fais pas de consultation dans le cadre de ce blog. Le régime de l'abattement est sans condition mais suppose une option.

  • Lien vers le commentaire EricG samedi, 20 février 2021 01:27 Posté par EricG

    Bonjour,
    Pouvez-vous me dire combien d’impôts sur les dividendes un associé doit verser pour 100 000 € de dividendes en tenant compte de l’abattement de 40 % ?
    Pour l’abattement de 40 %, il y a une condition (déclaration préalable ou autre) ?
    Merci

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul samedi, 09 janvier 2021 10:17 Posté par Duvaux Paul

    Réponse à Gilles : on peut être en négatif dans une entreprise individuelle mais pas dans une société commerciale.

  • Lien vers le commentaire gilles vendredi, 08 janvier 2021 08:19 Posté par gilles

    Bonjour Me Duvaux
    je suis artisan depuis une dizaine d'année en Entreprise Individuelle , je souhaiterai faire un prélèvement perso de 10000 euros sachant que je retire tout les mois 1700 euros
    ma trésorerie n'as jamais était dans le rouge et j'ai même une excellente trésorerie d’après le comptable
    Le soucis est que j'ai fait ça une année et le comptable m'as grosso modo expliqué que ce n'était pas bien car j'ai prélevé plus d'argent que je n'en ai gagné
    je comprends , mais sachant que ma trésorerie est plus que correcte et que tout mes fournisseurs et autres sont réglés , ou est le problème
    merci pour votre réponse
    Bien cordialement

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul lundi, 23 novembre 2020 14:22 Posté par Duvaux Paul

    Réponse à Berthilliot : une réponse sérieuse suppose de consulter un expert en retraite (ce qui n'est pas mon cas). Selon moi il faut vous verser un salaire d'environ 6 K€ par an pour avoir 4 trimestres. Par ailleurs vous pouvez recevoir des dividendes versés chaque année (et non pas par mois). Mais il faut bien calculer les plus et les moins de chaque procédé. Par ailleurs un salaire doit correspondre à un travail effectif et le salaire doit être normal par rapport au travail réalisé.

  • Lien vers le commentaire Berthilliot lundi, 23 novembre 2020 08:30 Posté par Berthilliot

    Bonjour Maitre,

    Je vais arrêter de travailler avant l'age légal de mon depart à la retraite. J'ai une sas qui dispose d'une trésorerie raisonnable
    1/ combien au minimum dois-je me verser pour continuer à cotiser pour ma retraite et à combien serai-je taxée
    2/ puis-je me verser des dividendes tous les mois
    Merci infiniment pour votre réponse

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul dimanche, 15 novembre 2020 08:20 Posté par Duvaux Paul

    Réponse à Florence : le fait qu'un dirigeant n'ait pas le droit de se rémunérer dans une société assujetti à l'impôt sur les sociétés s'il ne fait rien n'est pas une règle visant les TNS, c'est l'application d'une règle générale de la fiscalité qui interdit les dépenses inutiles. Cette règle s'applique à tout le monde, y compris les dirigeants relevant du régime des salariés. Dans une société, vous n'avez pas le droit de déduire fiscalement les dépenses inutiles. Mais rien ne vous interdit de cotiser au régime des TNS. Ces cotisations ne seront pas déductibles.
    Par ailleurs vous pouvez vous distribuer des dividendes. De plus, vous pouvez facilement vous lancer dans une nouvelle activité justifiant parfaitement votre rémunération. Par ailleurs, il est très rare qu'il soit judicieux et impératif de s'attribuer une rémunération dans une société, cela ne présente qu'un intérêt dans certains cas très originaux en matière de retraite et de contribution PUMA. En conclusion, vous vous plaignez à tort. Consultez un avocat fiscaliste.

  • Lien vers le commentaire Florence samedi, 14 novembre 2020 11:28 Posté par Florence

    Bonjour Me Duvaux, mais c'est exactement ce que je dis,
    Quand on décide de créer son entreprise, la motivation initiale (en tout cas pour moi) est la liberté; liberté de ne compter que sur soi-même et son travail pour sa rémunération, son organisation, ses décisions.
    Or là, il se trouve que je dois rendre des comptes si je décide que mon activité n'est pas rentable en ce moment, que je la mets en pause, et que je me rémunère sur mes réserves (ce sont les miennes, je dois pouvoir en faire ce que je veux).
    Je ne veux pas d'assistanat, juste pouvoir décider seule si j'ai envie de prendre mes sous plutôt sous forme de rémunération avec cotisations sociales que sous forme de dividendes sans que personne n'ait le droit de "juger" du bien fondé de ce choix.

    Je ne voulais pas être salariée pour être libre et non-assistée, mais je constate qu'en tant que TNS : je ne suis ni l'un ni l'autre.

    C'est ça qui ne va pas dans ce pays, et ce sentiment croissant d'injustice ressenti chez les TNS est une pétaudière assez malsaine qui dresse les gens les uns contre les autres (surtout quand ces TNS ont eux-mêmes des salariés, et peuvent comparer chaque jour les droits croissants qu'ils ont, et les devoirs croissants que nous avons envers eux : gestion de leur mutuelle santé, de leurs impôts sur le revenu, de leur "bien-être" au travail...).
    Je ne pense pas que les indépendants quittent ce pays à cause de la pression fiscale, mais plutôt par besoin de retrouver cette liberté perdue.
    Personnellement, mon entreprise est devenue mon propre piège, le contraire de ce que j'envisageais à sa création en 1999.

  • Lien vers le commentaire Duvaux Paul vendredi, 13 novembre 2020 12:16 Posté par Duvaux Paul

    Non, je ne suis pas d'accord. Je régime fiscal et social des TNS est nettement plus favorable selon moi que celui des salariés et malheureusement la tendance est d'aligner le régime des TNS sur celui des salariés avec toujours de bonnes raisons invoquées par les autorités basées sur l'extension du domaine de la solidarité. Solidarité = plus de pouvoir pour l'Etat et les organismes sociaux = plus d'impôts et de cotisations sociales = plus d'assistanat et de fraudes. Cela va aboutir à développer les activités de conseil à l'étranger avec une présence physique limitée en France, à l'image de ce qui se passe déjà avec le travail détaché pour les jobs "en dur" qu'il n'est pas possible de faire à distance.

  • Lien vers le commentaire Florence jeudi, 12 novembre 2020 22:43 Posté par Florence

    Merci pour votre réponse, mais je la trouve injuste (voire amorale).
    Un salarié, lui, a droit a droit aux indemnités d'activité partielle quand il ne travaille pas, aux indemnités du chômage quand il ne travaille plus (le tout avec comptabilisation des retraite et couverture sociale); par contre un TNS qui ne peut plus travailler pour les mêmes raisons (plus d'activité possible dans l'entreprise) ne "mérite" pas sans doute tout ça.
    Mais faudra pas s'étonner qu'on ait plus du tout envie, l'aventure du TNS est trop ingrate dans ce pays, vraiment.

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